released September 1, 2011

REVIEW/CHRONIQUE

En déplacement dans le Londres natal d'Emma Newell, la moitié la plus mélodique du couple, Government nous a fait l'aimable plaisir de répondre par téléphone interposé aux questions que soulève "Soulpuke", premier volet d'une trilogie intitulée Conspirators of Pleasure (un hommage à Svankmajer ?) et disque le plus radicalement expérimental (et controversé) sorti sur Katari à ce jour. Laissons-les en parler, c'est eux qui le font le mieux, avec leur humour cynique et leur provocation proverbiale.

V.-E.B. -Ce disque est le premier volet d'une trilogie. Quel est le thème global et le but poursuivi par ces trois disques ? Ici, les morceaux sont plus courts, mais aussi plus denses que ce à quoi vous nous avez habitué. Comment a-t-il été composé ?

V.T. - Le sujet même de Soulpuke est la composition. On avait aussi beaucoup envie de travailler sur l'atonalité. On a entassé durant les deux années qui précèdent un grand amas de morceaux ou de pistes en vrac, qu'on a assemblé pendant longtemps. Ensuite, on a tenté de répartir ces éléments dans les trois disques en tentant de trouver un équilibre et une cohérence pour chacun, une ligne directrice. C'est ça qui prend le plus de temps, le reste : jouer des instruments, arranger, produire, ça doit se faire très vite, quand on en a besoin.

E.N. - Moins que les deux disques qui suivent, l'album est construit selon l'art de la fugue : des structures mouvantes, cassées, qui s'écroulent derrière nous aussitôt qu'on les a passées, animées par le pur désir d'un mouvement irrésistible vers l'avant. La reprise d'un refrain, ou le retour d'un thème dans une impro de jazz par exemple, nous semblent être des points de repères encore trop évidents. On a essayé de les fuir, pour provoquer un égarement de l'auditeur, sans cesse rebondir sur de nouvelles idées. Et démasquer le processus pour le montrer à l'auditeur.

V.T.- C'est je-sais-plus-qui qui parlait des films de Kubrick en disant que leur construction était visible, qu'ils « portaient leurs squelettes à l'extérieur ». C'est un peu ça qu'on a tenté.

V.-E.B. - Les deux autres volets de cette trilogie se distingueront donc thématiquement ? Sont-ils issus de la même session d'enregistrement ?

V.T. - Enregistrement, production, mixage, arrangement : tout se mélange, mais oui, tout vient de longues sessions de plusieurs mois. Sur "Soulpuke", "Private As Parts" ou "Very Sleepy" sont ce qu'on a fait de plus avant-gardiste au sens premier du terme. Les lambeaux instrumentaux flottent les uns au-dessus des autres, s'entrechoquent parfois, se contredisent sur la question tonale, mélodique, harmonique de l'ensemble. On garde une immense admiration pour Twin Infinitives des Royal Trux, voilà l'album qui nous guide vraiment et nous stimule à toujours aller plus loin dans nos « fucking twisted ideas ». Nos compositions n'ont plus de centre de masse autour duquel elles évolueraient, plus d'attaches.

E.N. -On peut croire que c'est le pur arbitraire de l'esprit d'un enfant, l'irrationnel et la folie qui nous guette tous, attend qu'on craque pour elle, et d'ailleurs on aime être fidèle à l'esprit de Dada, mais il y a quelque chose dedans de trop réjouissant avec lequel on est plus trop en phase en 2011. Nous on filtre ça avec ce que les gens voudraient fuir, au mettre au banc de nos sociétés comme ses déviances refoulées, ou tout ce qui leur fait peur...

V.-E.B. - Dans l'ensemble j'ai l'impression que la composante politique a été minimisée ?

E.N. - Non, il faut réécouter, je ne crois pas. Elle est peut-être plus absente des titres de morceaux, qui se fixent sur le concept des sexualités déviantes des jeunes, les « conspirateurs du plaisir » du titre, mais toujours vivace dans l'amoncèlement énorme de samples qui est brassé (pas toujours audible à causes des couches successives qui viennent les enterrer, je l'accorde).

V.-E.B. - A quand la suite ?

E.N. - Très vite ! Dans le courant de l'année.

Traduit de l'anglais par V.-E. B.

* parue à l'origine en septembre 2011 sur popkatari.blogspot.com